Promenade ethnolinguistique à Motalava

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Un conte de Motalava :
Le Bal des Morts Vivants

Diables

Présentation

Pour les motalaviens, la Nuit c'est le monde de l'incertitude, de la peur et du retour des morts parmi les vivants. C'est en effet toujours la nuit qu'apparaissent, aux abords des villages ou dans la forêt plus profonde, les revenants qui font trembler le monde, ces natmat qui font leur pâture des vivants que nous sommes. Aussi se gardera-t-on de fréquenter, à des heures tardives, les endroits les plus obscurs de l'île – y compris, de nos jours, les abords de l'école française de Wongyeskey.

Une des activités préférées des natmat est la danse, la même danse circulaire qui fait toujours tourner les humains autour des musiciens, que ceux-ci frappent le rythme sur des bambous, ou accompagnent, plus récemment, leurs chansons populaires sur les guitares du String Band. Aux grandes occasions festives dites nokolkol, on voit parfois sortir de la forêt profonde un groupe de ces défunts-revenants venus danser sur la place du village avant de repartir ; et le même terme natmat finit par désigner, en mwotlap, non seulement les fameux esprits des morts, mais aussi les masques traditionnellement portés lors de ces danses, voire toutes sortes de chapeaux.

Le conte qui suit nous est raconté par feu Hansel, un homme de 40 ans environ, qui travaillait et vivait dans la ville de Santo, sans pour autant oublier ni sa langue ni les contes de son enfance. Il nous a raconté l'histoire de deux amis, dont l'un sera emporté malgré lui dans une ronde infernale, au sens propre du terme, dans l'obscurité des montagnes de Motalava, en pleine nuit – là même où personne, ni enfant ni adulte, ne voudrait se trouver après six heures du soir.

Du point de vue ethnolinguistique, cette histoire met constamment en jeu un fait important du mwotlap : la constante référence à l'espace géographique. Que ce soit pour situer des personnages dans un conte ou des individus réels, on ne peut se passer de les identifier par leur appartenance à un lieu précis, plutôt qu'à un nom de famille, par exemple. En mwotlap, la localisation spatiale n'utilise jamais les notions de droite et de gauche, qui nous sont si familières, mais toujours les points cardinaux : ainsi, notre conte exploite très précisément les quatre adverbes directionnels de la langue, à savoir § 3 hag "vers l'Est" (vers Aplow), § 2 hōw "vers l'Ouest" (vers les principaux villages de l'île), § 75 yow "vers la mer", § 35-37 hay "vers la montagne, vers l'intérieur des terres". Cet emploi est constant dans la langue, et l'on ne dit jamais "Assieds-toi à ma gauche", mais "Assieds-toi à mon ouest".

Du point de vue ethnologique, ce que nous avons dit sur les natmat est parfaitement illustré par ce conte : on note ainsi combien ils sont liés au monde de la nuit (§ 25) et disparaissent quand revient le jour (§ 66, 76). D'autre part, alors que le monde des Vivants est clairement associé à la civilisation du village (§ 77), celui des Morts se situe soit au milieu de l'océan (§ 23), soit dans la forêt profonde (§ 35), c'est-à-dire aux deux extrêmes géographiques qui s'opposent aux villages du littoral : soit à l'extrême yow (en mer), soit à l'extrême hay (en forêt).

Par ailleurs, on notera quelques détails déjà mentionnés, comme la double économie de Motalava, axée tant sur la pêche (§ 13, 24) que sur l'agriculture dans le champ familial (§ 5, 18). Et les stratagèmes employés par notre héros ne sont qu'un exemple de l'ingéniosité des gens de Motalava, lorsqu'il s'agit de tirer partie des ressources inépuisables de la nature.

Mais laissons-nous plutôt guider par les aventures de nos deux amis : les frissons sont garantis !

 

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